Me voilà bien arrivé à Pune, ville d’environ 6 millions et demi d’habitants, située dans le Maharashtra, à l’est de Mumbai. Parti à 4h00 du matin de Strasbourg, via Francfort, je suis arrivé à 4h00 du matin, heure locale, à Pune (4h30 de décalage horaire en avance).
Comme prévu, mon auto rickshaw (ou tuk-tuk), vient me chercher à l’aéroport, vêtu d’une kurta bleu ciel et affichant un grand sourire. Première impression de l’Inde, à l’aube de cette journée. La circulation est encore peu dense, mais l’air me prend déjà au nez et à la gorge, avec une odeur indéfinissable, légèrement chaude et fétide, où se mélangent des relents de cuisine, de gaz d’échappement et de pourriture. Le paysage défile dans la pénombre, les hôtels de luxe alternant avec les terrains vagues et les chiens errants. La circulation s’intensifie, je ne sais si Amin, mon chauffeur, veut m’impressionner, mais je m’accroche maintenant fermement au montant de notre véhicule.

Nous voilà enfin arrivés à mon hébergement, situé dans un quartier résidentiel, Hare Krishna Mandir Road, Model Colony.
Manju, ma « land lady » (propriétaire), m’accueille avec beaucoup de gentillesse et me fais faire le tour des lieux. Je suis ravi, car ma chambre dispose d’une salle de bain attenante, et, bien sûr, ventilateur et moustiquaire indispensables. L’appartement est spacieux et la seule autre colocataire est une jeune indienne, qui voyage beaucoup, je dispose donc de cet espace pour moi tout seul. A quelques pas, un superbe parc avec d’immenses arbres.

Je vais rapidement découvrir que le meilleur atout de l’immeuble est le calme et le silence, car au fur et à mesure de mes pérégrinations dans le quartier, je découvre que la circulation est infernale. C’est un flux continu d’auto rickshaws, de motos et de voitures (cyclistes s’abstenir !), qui tient du miracle permanent et qui provoque un tintamarre assourdissant, où se mêle force pétarades et concerts de klaxons, dans l’anarchie la plus totale. Les feux sont pratiquement inexistants, hormis les grands axes, la priorité est régie par la loi du plus fort et les piétons quantités négligeables. Chaque fois que je traverse la route, j’ai m’impression d’être un matador qui sent le souffle de la bête à chaque instant !

Enfin, dernier avantage de cet appartement, il est situé à 5 minutes à pied du RIMYI (Ramamani Institute Memorial Yoga Iyengar), non négligeable, surtout lorsque je vais découvrir que mes cours commencent à 7h00 du matin. Pas le temps de me reposer, je pars m’inscrire au centre où je croise Abhijata, la petite fille de Guruji et fait la connaissance du redoutable Pandu, cerbère des lieux, qui s’occupent des inscriptions. D’abord quelques palabres pour négocier le tarif de mon séjour, amputé d’une semaine, et Pandu me donne mon programme pour les 3 semaines à venir. Je suivrais les cours de Prashant, le fils de B.K.S. Iyengar. Me voilà prêt pour une immersion à la source du yoga Iyengar.

Quelques courses dans l’après-midi pour me sustenter à l’appartement et cette première journée, riche d’émotions et de rencontres, s’achève avec un dernier constat : lors de mes déambulations dans le quartier, je n’ai croisé que deux « westerner’s » et il me vient un sentiment d’humilité.

Jour 2

 

Je continue à explorer les environs. Le quartier est très vert et mes impressions premières s’estompent, l’air est beaucoup plus respirable, douce chaleur et quelques effluves d’encens qui annoncent les prochaines festivités. Je découvre avec joie une oasis de verdure, agrémentée d’un petit lac non loin de l’appartement, où les chants des oiseaux se partagent un silence bienvenu, les petites cabanes, où les locaux se restaurent à toute heure, et petites boutiques qui jouxtent les rues avoisinantes, mais également un centre commercial (mall) destiné à la mode, digne des Galeries Lafayettes…tout le paradoxe de l’Inde.

Jour 3

 

Ça y est, première rencontre avec Prashant Iyengar, qui dirige la General Class, cours qui sera le fil conducteur de ma pratique au centre. La salle de cours est pleine, surtout des gens du cru. Parmi les étudiants, Birjoo, ancien élève de Guruji, enseignant réputé qui dirige un centre à Mumbai. Moi qui me sentais à l’aise dans mes échanges linguistiques avec les locaux, je déchante d’un coup, car ’anglais « indien » de Prashant est horrible ! D’autant que le cours de Prashant est essentiellement axé sur une approche philosophique. Après le cours, de 7h00 à 9h00, le RIMYI met à disposition la salle pour une pratique personnelle de 9h00 à 12h00, qui concerne surtout les étudiants étrangers.

Dans la soirée, belle conférence de Prashant sur Patanjali Jayana, et une puja en l’honneur de Patanjali. Toute la famille Iyengar est présente et c’est Geeta, la fille de B.K.S. Iyengar qui ouvre la conférence. Mes progrès en langue sont minimes, j’espère pouvoir récupérer la vidéo de la conférence.

Jour 4

Et déjà le RIMYI ferme pour 4 jours ! En effet, la ville est en effervescence car le 7 novembre, l’Inde fête Diwali, la Fête des Lumières, l’équivalent du Noël chrétien. Tout le quartier se pare de décorations très colorées. Mais j’aurais aussi le plaisir d’assister, pendant 4 jours, à de superbes concerts de musique classique indienne dans le parc voisin, qui se déroule de 6h30 à 10h30, pour permettre aux habitants de profiter du reste de leur journée. Le public est surtout composé d’une classe moyenne et toutes les femmes ont revêtu leurs plus beaux saris. Au moment de la remise des prix, tout le monde se précipite pour faire la queue et profiter d’un petit déjeuner offert en l’honneur des festivités, au grand dam des organisateurs.
Dans l’après-midi, Amin, qui est devenu une vraie mère poule, m’emmène dans le « supermarché » du coin, Dorabjee, mais pas de quoi faire pâlir un Auchan et consorts. Néanmoins, il est bien mieux achalandé que le petit « market » où je me fournis habituellement en riz et légumes. Plein de mets au nom évocateur d’épices, mais difficile de choisir lorsqu’on n’est pas familier de la cuisine locale.

Au retour, nous empruntons les petites rues de la ville et je découvre des quartiers d’une grande pauvreté. Mon chauffeur est pressé, car aujourd’hui est le dernier jour pour faire les courses avant Diwali et la circulation est très dense.

Au passage, il a repéré des produits « organic » dans mon cabas et m’explique que sa femme exploite une ferme à 40 kilomètres de Pune, où elle cultive des légumes bio pour la famille. Elle a bien tenté de commercialiser ses produits sur les marchés locaux, mais les gens n’ont pas les moyens de s’offrir de tels produits et, surtout, la démarche du bio n’est pasencore très présente dans la culture indienne, selon lui.

En attendant la reprise des cours, je pratique dans ma chambre. J’ai ramené une sangle de Strasbourg et trouvé une brique en mousse dans l’appartement, sur laquelle son ancien propriétaire à noter : « Please leave me in flat ». J’ai acheté un superbe tapis au centre. Pour compléter l’équipement, le couvre-lit et les serviettes de toilette font office de couverture, je suis équipé de pied en cap !

Jour 5

Nouveau concert de musique dans le parc avoisinant, un ensemble de flûtistes, dont la musique envoûtante s’accorde harmonieusement avec ces arbres immenses à la cime haut perchée, un sentiment de paix me gagne. Les quelques ondées de ces derniers jours ont purifié l’air et une odeur subtile d’encens flotte dans les rues des alentours. A mon retour, je découvre une charrette de fruits et légumes dans la cour de l’immeuble, marché à domicile avec le sourire et pour un prix dérisoire.
L’après-midi est consacrée à la découverte des temples avec Amin. Nous commençons par le temple dédié à Laksmi, déesse de la Richesse et Prospérité, particulièrement célébrée (puja) pendant Diwali. Le temple est richement orné et décoré de fleurs et nombreux sont les pèlerins à offrir des offrandes. Apparaissent à ses côtés, Malakalya, déesse de la Magie Noire et Saraswati, déesse de l’Education.

Nous continuons vers le vieux Pune, nous arrêtons au temple de Makali, auquel succède un magnifique temple dédié à Ganesh, dieu de la Sagesse, de l’Intelligence et dieu protecteur.
La ballade se termine par un peu de shopping, à la recherche d’écharpes en Pashmina. Amin propose de s’arrêter à Diamond Place, café réputé pour ses tchaïs. Comme je m’étonne de ne voir que des hommes dans la salle, il m’explique que les femmes et les hommes sont séparés en ce lieu et qu’elles disposent du 1er étage !

Le soir, Deepawali bat son plein. Les voisins, qui dénotent dans le quartier avec leurs maisons de tôles entassées les unes sur les autres, au milieu d’une véritable basse-cour, ont illuminé toutes les façades de leur petit quartier et c’est un déluge de feux d’artifices et de pétards tout au long de la soirée, digne d’un Nouvel An ! Bien plus tard, j’entends encore les cris terrorisés des animaux qui s’élèvent dans la nuit.

Jour 6 et 7

Mes journées sont toujours rythmées par les concerts de musique et la pratique à la maison. Je découvre mon premier restaurant, Shraavan, cuisine veg délicieuse mais également la première piqûre de moustique dans le parc ! Petit coup de stress…il va falloir être plus vigilant à la tombée du soleil. Il est vrai que la plupart des indiens portent des vêtements longs, même en journée et sous le soleil.

Jour 8 à 22

Les cours ont enfin repris ! Après celui de Prashant, suit un cours spécifique pour les femmes, dirigé par Geeta. J’ai la chance de pouvoir observer un de ses derniers cours. L’après-midi se termine par une pratique personnelle au centre.
Je suis maintenant entré de plein pied dans mon séjour d’étude au RIMYI. J’alterne la pratique avec l’observation de cours…débutants, niveaux intermédiaires, thérapeutiques…

Ces deux dernières semaines vont être perturbées par la présence d’une délégation indonésienne, dont la Convention Nationale devait se tenir pendant 10 jours dans une salle voisine et être animée par Abijhata.
Cette dernière étant tombée malade, Prashant et Geeta ont pris le relais et les ont intégrés dans leur cours respectif. De fait, le mythique « pratiquer tapis contre tapis » au RIMYI est devenu une réalité avec 80 pratiquants de plus ! Mais l’ambiance est également devenue plus conviviale et Geeta a autorisé les hommes à participer au cours pour les femmes…nouveau cadeau !

Une dernière visite chez une femme médecin ayurvédique, qui m’a prodigué moult conseils, et déjà le retour, après ce superbe voyage et une belle immersion au coeur du yoga Iyengar et de la civilisation indienne.

Merci Patrick pour ce beau reportage !

Images ©Patrick Lallemand