La sangle en yoga Iyengar

Comment bien utiliser une sangle de yoga : 6 erreurs communes

Outil, Utilisation, Effets

Par Sabine Turchi – Strasbourg – juin 2022

Résumé

B.K.S Iyengar fut l’un des premiers à utiliser des accessoires pour sa pratique de yoga et à les inclure dans son enseignement dans l’optique de proposer un yoga pour tous.

Dans la pratique du yoga, la sangle devient un prolongement de notre corps. Elle nous permet de maintenir un bon alignement, d’installer une base stable et nous aide à entrer dans certaines postures ou à les perfectionner.

En effet, réglable et facile d’utilisation, la sangle est un outil pédagogique très intéressant. Elle permet de contenir certaines parties du corps en apportant de la stabilité là où il n’y en a pas ou peu (par ex., absorber et fixer les coudes lorsque les bras sont tendus), et grâce à cette stabilité, elle nous donne l’occasion d’étirer d’autres parties du corps (par ex., maintenir le bassin compact pour sentir l’extension du tronc).

La sangle nous guide également dans les actions à mettre en place dans les asana : comment activer et trouver le bon sens de rotation des muscles, placer ses pieds, prendre soin d’une partie du corps sensible ou blessée.

Enfin, elle développe notre sensibilité aux mouvements plus fins et subtils de certaines parties du corps ou encore du souffle.

La sangle est un outil d’exploration et d’enrichissement de notre pratique. Elle nous accompagne sur le chemin vers une pratique autonome. Une fois les sensations perçues et acquises, expérimentons la liberté de la pratique sans accessoires.

B.K.S. Iyengar a révolutionné la pratique du yoga en proposant un yoga pour tous, quel que soit son âge, sa condition, ses origines.

De santé fragile dans sa jeunesse (1), il a alors détourné tout ce qu’il avait à sa portée pour le transformer en accessoire de yoga (2), défini par Christian Pisano comme tout objet permettant de

« déployer l’espace de l’asana, mais aussi d’aborder certains asana qui ne pourraient être pratiqués sans lui. Il induit la compréhension du geste et de l’attitude posturaux justes. Il installe le temps de la posture, donnant ainsi accès à des régions du corps non explorées. » (3)

Petit à petit, le pratiquant apprend, comprend, éveille les parties dormantes de son corps jusqu’à un jour pouvoir, peut-être, se passer des accessoires.
L’idée d’utiliser les sangles est apparue à B.K.S. Iyengar lors d’un voyage en France dans les années 60 où il observa que les voyageurs attachaient leurs bagages avec des ceintures, facilitant ainsi les déplacements, maintenant le tout solidement ensemble. Immédiatement, il s’est dit qu’il pourrait également s’en servir dans sa pratique. De retour en Inde, c’est ce qu’il fit jusqu’à faire produire les sangles directement en Inde pour qu’elles soient conformes à son idée.
Dans la pratique du yoga, la sangle devient un prolongement de notre corps. Elle nous permet de maintenir un bon alignement, d’installer une base stable et nous aide à entrer dans certaines postures.

Pourtant, les pratiquants débutants sont souvent un peu perdus avec la sangle : comment l’utiliser ? Dans quel but ? Est-ce que c’est vraiment nécessaire ?

La sangle peut :

→ Contenir certaines parties du corps, les fixant dans un cadre et dans un alignement juste, nous permettant d’étirer et travailler d’autres parties du corps ;

→ Nous renseigner et nous guider, dans les actions à mettre en place dans les asana.

 

Examinons de plus près ces potentialités.

(1) La Voie de La Paix Intérieure, B.K.S. Iyengar Introduction
(2) B.K.S. Iyengar, 70 Glorious Years of Yogacharya
(3) ChristianPisano et Mark Dyczkowski, La Contemplation du héros : Art et pratique du yoga, éd. Almora, p.109

Contenir certaines parties du corps

En apportant de la stabilité

Les bras
Tendre les bras en absorbant les coudes n’est pas toujours facile pour les débutants ou les personnes aux épaules raides. Sangler les coudes va permettre de stabiliser les bras et d’apprendre à étirer la face interne des bras.
La sangle peut être utilisée ainsi dans toutes les postures ou les bras sont tendus : Adho Mukha Svanasana, Urdvha Hastasana, Adho Mukha Vrksasana, etc.

Les coudes
Dans d’autres postures, du fait du manque de mobilité des épaules et des omoplates, les coudes vont s’écarter au moment d’entrer dans la posture alors qu’ils devraient rester parallèles.
C’est le cas en Salamba Sarvangasana, Pincha Mayurasana ou Urdvha Dhanurasana. La sangle va permettre de ne pas perdre le sens de rotation des épaules en maintenant les coudes en place.

Les jambes
Comme pour les coudes, il est possible de rectifier des jambes arquées en ceinturant la partie charnue des mollets.

Les hanches
La plupart d’entre nous activons très peu les muscles à l’extérieur des hanches (tenseur facia lata, moyen fessiers) et avons tendance à déhancher d’un côté ou de l’autre. A terme, cela peut engendrer des douleurs dans les hanches, voire des problèmes articulaires plus importants .

Le simple fait de sangler le bassin en Tadasana fait prendre conscience de la tenue du bassin et des sensations qui y sont associées (extension de tout le corps depuis les jambes, énergie ascendante, compacité du bassin, poids sur les organes allégé, etc.).

Les épaules et le haut du dos sont une autre zone du corps difficile à ouvrir du fait de nos vies sédentaires, du temps que nous passons assis, notamment devant nos écrans. Les épaules roulent vers l’avant et la poitrine se ferme.
Une sangle bouclée et enfilée autour des épaules suffit à nous faire prendre conscience de la fermeture de nos épaules et nous fait goûter à la sensation de l’ouverture de cette partie du corps.

Contenir une partie du corps pour mieux en étirer une autre

En fixant une partie du corps à l’aide des sangles, nous avons besoin d’utiliser moins d’énergie pour la maintenir stable et nous pouvons nous concentrer sur une autre partie du corps, ou sur une action précise, avec l’esprit plus détendu, concentré et réceptif à la fois.

Le bassin
Il est intéressant de stabiliser le bassin pour trouver une plus grande extension du tronc.

Cela peut se faire en Adho Mukha Svanasana ou Adho Mukha Virasana, en tirant les aines internes en arrière avec une sangle. Soit un partenaire le fait pour nous, soit nous accrochons une sangle longue à une poignée de porte ou vous utilisez une corde courte au mur.

Les jambes
Dans les postures où les jambes doivent rester ensemble (Tadasana, postures assises, inversées), ceinturer les jambes (les mollets, les cuisses à différentes hauteur) crée de la compacité dans les jambes et permet de se concentrer sur l’étirement ou la rotation du tronc selon les postures. De plus, cela offre un relâchement du bas-ventre très intéressant, particulièrement pour les femmes en période de règles (qui ne font pas de postures inversées mais qui ont les jambes ceinturées mais séparées par une brique pour maintenir l’espace organique ) ou de changement / déséquilibre hormonal.

Trouver et créer l’action juste

Une utilisation plus fine de la sangle va nous permettre de trouver l’action juste.
Souvent, et plus encore lorsque l’on est débutant, soit nous avons l’impression de faire l’action et seulement l’impression, soit l’action est incomplète.
Utiliser la sangle va nous permettre d’activer les muscles en offrant une résistance ou une traction, de trouver l’action juste à mettre en place et va nous sensibiliser en nous montrant là où nous en sommes au moment t et vers là où il faudrait tendre.

Activer les muscles

Les bras
Placer une sangle autour des poignets de la largeur des épaules et résister les poignets contre la sangle va nous permettre de créer l’engagement des muscles des bras.

Les jambes
Une des premières postures proposées aux débutants pour apprendre à tendre les jambes est Supta Padanghustasana.
Petit à petit, le pratiquant va apprendre à repousser la sangle avec le talon pour activer la cuisse et ouvrir l’arrière du genou. Pour aller plus loin dans les sensations, on peut tenir la sangle avec seulement le pouce et l’index.

 

 

Trouver le bon sens de rotation des muscles

Que ce soit en Tadasana, dans les postures debout où le bassin reste de face (Virabhadrasana 1 ou Parsvottanasana – postures dites en rotation interne), ou dans les postures d’ouverture de hanches (Utthita Trikonasana ou Utthita Parsva Konasana [postures dites en rotation externe]), il peut être très difficile de trouver le bon sens de rotation des cuisses et de sentir jusqu’où il faut aller.
Utiliser la sangle va nous permettre d’aller plus loin dans l’action jusqu’à trouver le bon alignement du bassin : ceinturer le haut des cuisses en Tadasana ou le haut de la cuisse arrière en Virabhadrasana 1 ou 2. La queue de la ceinture sera placée de telle sorte que lorsque l’on tire dessus les cuisses tournent dans le sens souhaité.

 

Activer la boule des gros orteils / ajuster les pieds

Dans toutes les postures de yoga, lorsque nous pratiquons, nous voulons activer le padanghusta, c’est-à-dire la boule du gros orteil. C’est notre point d’ancrage, de stabilité, que l’on ne doit jamais perdre.
Utiliser une sangle sur les coussinets des pieds va affiner notre sensibilité et notre conscience. En Paschimottanasana, en Salamba Sirsasana, en Salamba Sarvangasana, en Supta Padanghustasana, nous allons pouvoir chercher à avoir tous les coussinets des pieds en contact avec la sangle et ramener le bord externe du pied vers soi.

Sensibiliser

D’une manière générale, nous faisons très peu attention à notre façon de respirer : ce qui s’ouvre, ce qui est mobile et ce qui ne l’est pas, l’amplitude du souffle, etc.
En ceinturant la poitrine, nous sensibilisons le haut de la cage thoracique et pouvons ressentir à la fois le mouvement ascensionnel de l’inspire et descendant de l’expire au niveau des côtes et du haut du sternum. Nous ressentons également comment les côtes peuvent s’élargir sur le côté.
Dans une pratique restaurative et/ou de Pranayama, nous prenons conscience de la manière dont nous pouvons agir sur le souffle : ouvrir plus les côtes sur le côté ou respirer jusque dans le dos, etc.
Dans une pratique d’asana dynamique, ceinturer la cage thoracique nous permet de contrôler toute la longueur du sternum et de fixer le bas du sternum en arrière tout en levant le haut du sternum.

Aspect  thérapeutique

La nuque
Lorsque la nuque est sous tension, soutenir l’arrière du crâne, l’occiput, dans une sangle passée autour de l’assise d’une chaise soulage les tensions en Savasana.

Les genoux
La sangle peut être utilisée pour créer de l’espace à l’arrière des genoux fléchis : doublée ou pliée en quatre, elle se positionne dans le creux arrière du genou.

 

La sangle a de multiples utilisations possibles. Comme B.K.S. Iyengar, soyons curieux et explorons, allons plus loin et laissons notre conscience s’affiner en utilisant la sangle. C’est un outil d’ouverture et d’enrichissement de notre pratique.

Simplement, soyons attentifs à ne pas en devenir dépendant (4).
La sangle active, stabilise, sensibilise et dans la plupart des postures, elle fait tout ça en même temps.
Alors… Pratiquons, pratiquons, pratiquons. Avec la sangle…et sans la sangle.

Belle pratique à tous !

 

(4)  B.K.S. Iyengar dans « 70 Glorious years of Yogacharya B.K.S. Iyengar » p391, dit en parlant de l’utilisation des supports que « la personne s’y habitue et ne cherche pas à essayer de s’en passer. […] Ils donnent une idée de la direction. Une fois la sensation de la direction intégrée, j’attends que mes élèves, tôt ou tard, réalisent les asanas en toute autonomie. » L’autonomie n’est pas compatible avec la dépendance.

A propos de l’autrice

J’ai commencé à pratiquer le yoga Iyengar® en 2015. C’est en 2018, avec le retour de Jean-Michel Kuhry à Strasbourg, que j’oriente ma pratique personnelle exclusivement vers le yoga Iyengar®.
En formation de yoga Iyengar® depuis septembre 2021, cet article a été rédigé dans le cadre de mon mentorat avec Jean-Michel Kuhry.